Le manifeste du Parti des Captains

De tous temps, dans tous les âges, dans toutes les contrées il y a eu, il y a, et il y aura des super héros. Que ce soit les dieux grecs, leurs fils mythiques, les prophètes ou les héros de comics Etats-uniens, ils sont là pour nous protéger.

Chaque culture possède ses super héros. L’Europe a Jésus, l’Inde a Rama, la Chine Jet li. Les Etats-Unis ont la ligue des justiciers, l’Amérique du Sud a Guevara, l’Australie « Bernard et Bianca en Australie », et l’Afrique a Jacques Chirac.

Ces êtres ont la particularité d’être surhumains. Ils évoluent dans ce monde avec une facilité déconcertante. En cela ils représentent l’espoir d’une vie et d’un monde meilleur. Les super héros ont accès à un niveau de connaissance supérieur. Ainsi ils peuvent modifier le monde. L’exemple le plus flagrant réside dans la figure de Néo qui perçoit le monde tel qu’il est dans sa vraie nature .En percevant le monde à travers un degré de savoir supérieur, les super héros nous transcendent. Cette transcendance est fondamentale pour comprendre le super héros.

Clark Kent doit vivre une expérience qui dépasse sa qualité d’homme pour devenir Superman (littéralement : le surhomme). Ce dépassement de la condition humaine est la base de leurs pouvoirs et de la fascination qu’ils exercent sur nous. Une fois devenus surhomme, le super héros cristallise les attentes, les angoisses et les espoirs des mortels, impuissants face à un ordre qui les dépasse.

Les facultés qu’ils tirent de leur transcendance sont directement liées à leur rôle sur Terre. Nous remarquons qu’un super héros ne se contente jamais de jouir de ses pouvoirs comme un actionnaire jouit de ses placements.

Puisque le super héros a une connaissance supérieure du monde il sait qu’il doit le changer. C’est pour lui un devoir plus qu’un pouvoir que de savoir voler ou déplacer des objets à distance. Voyons comment ce souci humaniste fut récupéré au fil des âges.

Les prophètes tiennent leur science d’un Dieu. Ainsi ils oeuvrent sur Terre au nom de leur papa ou de leur maître.

Les héros qui sautent partout dans les films asiatiques oeuvrent pour eux-mêmes et au nom d’un code d’honneur comme le Hagakuré chez les samouraïs. Cela parait logique puisque leur savoir-faire provient de ces livres et de leur mise en œuvre pratique. Le maître a un rôle prépondérant dans leur formation et garde une place cruciale tout au long de la vie du héros. L’exemple de M. Vador et de M. Kenobi est le plus célèbre.

Clark Kent quand à lui se bat pour son pays. Son devoir est patriotique. C’est la contradiction qui rend ce personnage intéressant. En effet, il provient d’une autre planète et tire ses pouvoirs de cette spécificité. Mais ce sont les valeurs Etats-Uniennes qui lui permettent d’être heureux et de s’épanouir.

Cette tension entre la dimension humaine et la qualité transcendante du super héros est fondamentale. On la retrouve chez Jésus lors de la scène de la Cène, chez les dieux grecs pris entre la destinée et l’amour, ou chez Guevara tiraillé entre le ministère de l’Industrie à Cuba (dimension humaine) et la guérilla au Congo (dimension mythique).

Le devoir et le pouvoir sont donc les deux composantes de l’essence des supers héros. Ils s’articulent dans une dialectique où la tragédie, le sacrifice et la mort rattrapent l’apparente invulnérabilité de ces être supérieurs. Les supers héros ne sont pas en paix avec eux-mêmes.

D’où l’importance des acolytes. Ce sont tout d’abord des amis. Ils soutiennent et partagent les secrets, les doutes et les angoisses des supers héros. Mais si ils se limitent à n rôle passif leur état mental va de mal en pis et ils finissent par péricliter. Me meilleur ami de Clark Kent doit le quitter à la fin de la saison 2 de Smallville (tous les samedis soirs à 20H50, je sais c’est en même temps que le plus grand cabaret du monde mais bon… faut savoir ce qu’on veut dans la vie des fois). Les apôtres diffusent la parole de Jésus au reste de l’humanité. Ils sont le prolongement du mythe. Les acolytes sont complémentaires des supers héros et entretiennent une relation d’amour fraternel avec eux. Cette relation est complexe et douloureuse. On a l’habitude de dire que ces acolytes sont l’ombre des héros, qu’ils sont leur côté caché. En effet leur relation est basée la peur que le super héro a de son côté humain, plein d’incertitudes et de complexité contrairement à son côté mythique. C’est la faille dans leur cuirasse, leur talon d’Achille, que les amis doivent compenser.

L’autre aspect de cette contradiction c’est le méchant. Le super héros peut se rebeller contre la source de son pouvoir, ne pas supporter les deux aspects de son essence. Cela donne lieu aux Sith, Bouffons verts, diables et autres petits cons à rétamer avant la fin de l’épisode.

Leur rôle est de montrer la différence entre eux et le super héros. Cette différence est confondue avec la limite entre le Bien et le Mal. C’est dans cette confusion que le super héros peut se perdre dans le fanatisme. Si l’Autre, ici celui qui a choisi une autre voie, répugne tant le super héros c’est parce qu’il et l’incarnation d’autres choix et d’une autre manière de penser. Cette différence devient alors conflictuelle. Les X-men ont mis le doigt dessus en donnant une dimension fraternelle à l’opposition entre le professeur Xavier et Metallo notamment à travers les duels intellectuels aux échecs. William Klein quand à lui s’en amuse dans Mr. Freedom en assimilant cette opposition à celle des deux modèles antagonistes de l’époque : l’U.R.S.S. et les Etats-Unis.

Quelle différence y'a-t-il entre un super héros et un Captainme direz vous, érudits comme vous êtes?

Nous l'avons vu, le super héros est tiraillé entre sa partie supra humaine (qu'elle soit d'origine accidentelle, divine, extra-terrestre ou traditionnelle) et sa partie humaine, tandis que le Captain c'est moi ; c'est vous.

Ce sont des êtres, des chaises, des tables, des souris, des humains … sans autre faculté que l'auto détermination : ils ont choisit d'être des Captains.

Pour cela ils usent de leur environnement immédiat, font avec ce qui les entoure : c'est-à-dire, une planche, une calculette, ou un sceau pour ce qui est de Captain Hydratation (tous droits réservés SARL NoBudget) en un mot : ils improvisent !

Je vous entends d'ores et déjà pester les pires abominations telles que : "Mais improviser est un art! Cela demande de l'exercice ! Tout le monde ne peut y arriver! "

C'est très vrai ! Tous les êtres ne savent pas spontanément construire un modulateur synaptique externe avec pour seule aide une paille et un chien galeux à peine remis d'une longue dépression encore pénible à évoquer. Non nous ne sommes pas tous des Mac Gyver !

Pourtant quelle caractéristique définit l'homme comme tel ?

Le langage ? Le travail ? La raison ?

Bien sur que non bougres d'enclumes!

Il s'agit bien évidement du jeu. Celui qui sait jouer sait rire, et par là sait donc penser.

Attardons nous sur ce raisonnement obscur de prime abord mais qui vous est familier j'en suis persuadé.

Ne vous arrive t'il jamais lorsque vous vous énervez, que vous faîtes l'amour ou quelque chose de très sérieux de la sorte, qu'une remarque, ou un événement inattendu, hors contexte, ne vienne troubler l'intensité de votre passion? Dès lors vous riez, tout simplement, et prenez pleine conscience que ce pauvre stagiaire sur lequel vous braillez si vigoureusement n'est en réalité qu'un peu maladroit, et que si votre boîte arrêtait de supprimer des emplois stables pour embaucher des stagiaires non rémunérés à la place, vous n'en seriez pas là aujourd'hui ? Et bien le rire à précédé votre raison. Ainsi, le rire, initié par l'inattendu, le spontané et le jeu est le garant de votre humanité.

Et quel meilleur moyen de rire et de faire rire si ce n'est jouer ?

Ce n'est pas un hasard si l'on parle de jeu théâtral, trop souvent perçu comme une pratique sérieuse, académique et réservée à des bourreaux de travail que je soupçonne d'être des "adultes responsables"².

Ainsi le jeu, re-découverte des premiers âges permet à l'individu de s'approprier son corps, ainsi que l'espace qui l'entoure et le corps de ses partenaires de jeu. Par là il va spontanément créer un environnement fictionnel que son univers personnel pourra investir, enfin avec un peu d'expérience il laissera même de la place à ceux des autres afin qu'ils se mélangent.

C'est de ce mélange que naissent les Captains. Mixtures complexes, aux ingrédients aléatoires, parfois déjà vus. Et parfois renouvelés, grâce à l'apport de nouveaux participants ou de nouvelles parcelles fraîchement construites dans les univers de chacun.

Vous l'aurez compris cette brève méthode explicative à propos de fabrication de Captains nous révèle l'originalité du Captain par rapport au super héros : le Captain est normal, mais pas banal. Est Captain qui joue, qui vit, qui rie.

Captains de tous pays : révélez vous!

² / L'auteur a, par ailleurs, consacré un traité à la question des "gens responsables" s'intitulant "Adultes responsables : le pire fléau de toute la galaxie depuis la moustache obligatoire chez Les Verts" préfacé par André Gide, aux éditions J'en sais rien (enfin pas grand-chose).